Architecture et histoire de l’église Notre Dame de Vétheuil

eglise notre dame de vertheuil


Situation géographique

Vétheuil est une commune du Val d’Oise située à environ 70 kilomètres au nord-ouest de Paris. Elle est implantée sur le territoire du Vexin français, ancienne province française séparée du Vexin normand par la rivière de l’Epte, affluent de la Seine.

Un paysage tout en courbes, la Seine à ses pieds, des falaises crayeuses qui scrutent l’horizon et accompagnent le fleuve au-delà de La Roche-Guyon, une pierre aux tons dorés qui donne tant de charme à l’architecture locale, une luminosité toute particulière, douce, chaude, simple et complexe à la fois si justement captée par les peintres impressionnistes, sont autant d’éléments qui servent d’écrin au village de Vétheuil.

C’est à deux pas de l’église que se trouve encore aujourd’hui la maison où habitèrent, de 1878 à 1881, le peintre impressionniste Claude MONET et son épouse Camille DONCIEUX. Camille était un des modèles du peintre avant de devenir son épouse.

Elle meurt à Vétheuil le 5 septembre 1879 à l’âge de 32 ans et sera enterrée dans le cimetière du village où elle repose encore aujourd’hui.

A cette époque, MONET est dans une situation financière particulièrement difficile. A sa demande, Georges CHARPENTIER (Le collectionneur et éditeur de Zola) avancera l’argent nécessaire à l’inhumation de Camille.

Quelques années plus tard et grâce à des « affaires plus florissantes », Claude MONET achètera une propriété située à 15 kilomètres de Vétheuil dans une commune du Vexin normand ; Giverny.

C’est également tout près de l’église que se trouve la maison d’un autre peintre moins connu du grand public, Abel LAUVRAY (1870-1950) qui vécut la plus grande partie de sa vie à Vétheuil.

Depuis 1995 Vétheuil fait partie du Parc naturel régional du Vexin français et c’est depuis mars 2009 que les coteaux de la Seine où se situe le village sont classés réserve naturelle nationale.

Un peu d’histoire

Photos anciennes

Vétheuil : village du Vexin français

La Seine qui passe au pied du village de Vétheuil participe incontestablement au charme et à la beauté du lieu et de ses environs. Mais si la proximité d’un fleuve favorise bien souvent les échanges commerciaux elle facilite aussi l’incursion de populations hostiles.

C’est par la Seine, qu’aux IXe et Xe siècles que les Northmen (Vikings) commettent leurs pillages et malmènent Vétheuil et sa région. La Seine devra longtemps être surveillée car l’histoire voulue que la frontière avec le royaume d’Angleterre se situa à moins de 20 kilomètres de Vétheuil.

En effet, en 911 à Saint-Clair-sur-Epte et pour mettre fin aux pillages, le roi de France Charles le Simple, propose au chef Viking Rollon (1) l’ensemble du territoire situé à l’ouest de l’Epte qui deviendra le Vexin normand (924) et la Normandie (933) situés désormais face au Vexin français, à l’est, partie intégrante du royaume de France.

Mais quand Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, conquiert l’Angleterre en 1066, la Normandie devient anglaise.

Vétheuil se retrouve donc sur une zone particulièrement sensible car tout proche du royaume d’Angleterre. D’où la présence de nombreuses places fortes tel le château de La Roche-Guyon côté français, ou Château-Gaillard, côté anglais, œuvre du fils d’Henri II Plantagenêt, Richard Cœur-de-Lion.

Au gré des combats, Vétheuil ira d’un royaume à l’autre : son château fort situé en bord de Seine (Aujourd’hui disparu) fut pris par Du Guesclin en 1364, repris quelques années plus tard par Henri V roi d’Angleterre pour finalement redevenir possession française.

C’est avec la prise du château de Gisors en 1449 qui domine encore aujourd’hui la vallée de l’Epte que cesseront les combats dans le Vexin.

L’église de Vétheuil

L’église de Vétheuil a été bâtie au cours de la seconde moitié du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle sur les fondations d’un édifice plus ancien (Xe siècle) qui dépendait alors de l’abbaye de Fécamp. C’est au cours de fouilles entreprises en 1906 que l’on y découvre des sarcophages mérovingiens. (Les Mérovingiens sont la première dynastie royale de la France. Ils règnent du Ve au VIIIe siècle.)

Placée sous l’invocation de la Vierge Marie et dédiée à la Nativité de la Vierge, elle aurait été destinée aux pèlerinages et, c’est la raison pour laquelle on aurait entrepris d’agrandir l’édifice vers la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle.

Nous manquons d’informations quant à l’initiateur (trice) de l’édification de l’église et nous ignorons qui en a été le maître d’œuvre.

La construction de l’église sera interrompue pendant de longues périodes pour des raisons inconnues : conflits, guerre de Cent Ans, guerres de religion, épidémies, manque d’argent ?

Nous savons que l’édification reprend vers les années 1520 sous François 1er et se termine en 1580 sous Henri II.

(1) Chef des Vikings originaire de Norvège. Païen, il se fera baptisé à Rouen et deviendra Robert, père de la lignée des ducs de Normandie.

Architecture

Tour d’horizon extérieur

Le chevet (Début du XIIIe siècle, environ 1210)

Comme la plupart des églises chrétiennes qui adoptent la forme de la croix latine, l’église de Vétheuil est dite « orientée ». La partie la plus longue est positionnée selon un axe est-ouest : le chevet qui englobe le choeur et l’abside, là où est célébrée l’eucharistie, est situé en direction de l’orient (1) (Est : lever du soleil) et le portail principal qui permet aux fidèles de pénétrer dans la nef se trouve orienté vers l’occident. (Ouest : coucher du soleil)

Selon des documents, nous savons qu’une première église de dimensions plus modestes que celle que nous pouvons découvrir aujourd’hui existait au Xe siècle. C’est sous l’influence d’un nombre croissant de pèlerins que lors du dernier quart du XIIe siècle furent entrepris des travaux d’agrandissement. Nous ne connaissons pas l’identité de celle ou de celui qui permit d’engager ces travaux.

Bien souvent, la construction d’une église, généralement dédiée à la Vierge Marie, était entreprise à la suite d’un vœu émis par un notable.

C’est ainsi qu’Agnès de Montfort, épouse du comte de Meulan, fit vœu de construire plusieurs églises dans la région de 1156 à 1163, son époux étant revenu sauf de la deuxième croisade : églises de Limay, Hardricourt, Jambville, Maudétour, Tessancourt, Gaillon…

D’après les éléments architecturaux qui caractérisent le chevet de l’église de Vétheuil, il semblerait que cette partie de l’édifice soit la plus ancienne (Après les piliers du clocher primitif datant du XIIe siècle) : des fenêtres hautes en forme de lancettes surmontées d’ouvertures circulaires (Oculi) sont séparées par de puissants contreforts répartis en arc de cercle et soutenant le mur sur toute sa hauteur. Un vaisseau unique terminé en abside semi-circulaire qui donne à l’ensemble une impression de puissance, d’austérité mais également d’harmonie, d’équilibre ; un bel exemple de style de transition de l’art roman vers l’art gothique (Roman-Ogival).

Comme le notait si justement Pierre Champion (2) : « l’abside de Vétheuil permet de voir l’art roman en plein effort de renouvellement ».

Les avis divergent quant à la date du début de la construction du chœur. Pour certains, la construction est antérieure à 1200, pour d’autres, elle est postérieure. Les contreforts de l’abside dateraient des années 1180 mais, par ailleurs, nous savons par des relevés scientifiques (dendrochronologie) que la charpente date des années 1211, 1212. Ce qui nous donne un écart de plus de 30 ans !

Pour ma part, je suivrai la thèse de Louis Régnier (3) qui date la construction du chevet du début du XIIIe siècle. Par ailleurs, les informations présentes dans la base de données du Ministère de la Culture et de la Communication le confirment.

C’est au cours de cette même période que l’on entreprend également la construction de la charpente de la collégiale Notre-Dame de Mantes située à 8 km de Vétheuil.

De manière générale, à partir des années 1170 et pendant une période d’environ vingt années, les grands chantiers sont peu nombreux. Par contre, au-delà des années 1190 et jusque dans les années 1230 jamais la France n’a connu une telle activité dans l’édification de monuments religieux ambitieux (4) : Bourges et Chartres : 1194, 1195, Caen et Rouen : 1200, Auxerre : 1210, Reims : 1211, Amiens : 1220, Beauvais : 1225…

Le clocher (XII, XIII, XIV et XVIe siècles)

Les travaux d’agrandissement menés au XIIIe siècle sous le début du règne de Saint Louis (Roi de France de 1226 à 1270) se révéleront rapidement trop ambitieux.

En effet, l’édification d’un chœur aux dimensions (trop) généreuses supposait la réalisation d’un édifice de grande taille. C’est donc au moment de la construction du clocher que l’on commença à corriger les choses pour bâtir un édifice moins important. Le projet de construction d’un tout nouveau clocher fut abandonné et l’on décida alors de modifier l’ancien en le surélevant. Une tour de 42 mètres dont 8 mètres de toiture fut réalisée qui englobait les anciennes parties ; aujourd’hui il est encore possible de voir l’ancien clocher (XIIe siècle) en parfait état de conservation car protégé par le plus récent.

Quand on observe l’église sur sa partie sud, on peut constater ce « décalage d’échelle » où le clocher, accolé à un chœur massif, paraît un peu « chétif ».

Le clocher est composé d’un tour carrée coiffée d’un toit pyramidal à 4 faces recouvert d’ardoises. Une paire de fenêtres en lancettes, dont les formes sont semblables à celles de l’abside, est répétée sur chaque côté de la tour et occupe toute la hauteur apportant ainsi une légèreté à l’ensemble du volume.

Des éléments de maçonnerie situés à l’intérieur du clocher nous indiquent que le projet d’une flèche en pierre était initialement prévu tel l’église de Mogneville dans l’Oise mais abandonné en raison d’une structure porteuse inadéquate incapable de supporter une telle charge.

La nef et les chapelles latérales (XVIe siècle)

Nous ne savons rien de la nef primitive, datée du XIIe siècle et nous ne disposons d’aucune archive susceptible de nous éclairer sur cette partie du bâtiment.

A-t-elle été modifiée au cours des siècles qui ont suivi, a-t-elle été détruite pour vice de forme ? Aucune trace ne subsiste à ce jour. Tous les éléments architecturaux que nous pouvons voir aujourd’hui correspondent au début du XVIe siècle et à la seconde moitié de ce même siècle pour la partie occidentale. C’est aussi à cette même époque que les piliers du clocher ont été retaillés.

La petite sacristie accolée à la partie sud du chœur est également du XVIe siècle, la date de 1533 y figure.

Il est fort probable que l’édifice resta inachevé pendant plusieurs siècles. C’est sur un document datant de 1557 que l’on peut voir le chœur, le clocher, les deux chapelles du transept et le début d’une travée de la nef. Les travaux de remaniement de la nef, accompagnée de bas-côtés et de deux rangées de chapelles, commencèrent à partir de 1520 et d’après les différences de décoration architecturale où les styles gothique et renaissance se côtoient on peut penser qu’il y eut plusieurs campagnes de construction. 1580 serait la date d’achèvement et la livraison au culte.

Nous n’avons pas d’informations précises concernant les architectes mais nous savons que Louis de SILLY, seigneur de La Roche-Guyon donc de Vétheuil et son épouse Anne de LAVAL, furent les initiateurs de ce chantier.

Le portail sud (XVIe siècle)

C’est également au seigneur de La Roche-Guyon et de Vétheuil, Louis de SILLY et à son épouse Anne de LAVAL que nous devons la construction de cette partie de l’édifice vers 1551

Le portail sud d’où l’on domine le village est un point d’accès important situé dans une des perspectives les plus intéressantes ; un large escalier (5) situé dans le prolongement de la rue de l’Eglise permet d’atteindre cette partie de l’église.

Une disposition qui n’est pas le fruit du hasard. Le porche assez profond et qui correspond à la superficie des chapelles situées sur les bas-côtés permettait d’abriter, de jour comme de nuit, une statue de la Vierge que, du haut du chemin, les pèlerins et les voyageurs pouvaient saluer par une prière. L’intérieur, abondamment décoré, est aujourd’hui dépourvu de statues hormis celle de la Vierge à l’Enfant polychromée placée entre les deux vantaux en bois datés eux aussi du XVIe siècle.

Par ailleurs, à droite du portail, on remarque un cadran solaire qui a été peint au XVIIIe siècle.

Le portail ouest (XVIe siècle)

Lorsque par une chaude journée d’été vous vous trouvez face à la partie occidentale de l’église de Vétheuil, c’est l’Italie qui vient à vous ; l’élégance et la fantaisie du style, la chaude couleur de la pierre associés à la douceur de l’air vous transporte vers le pays où naquit l’art de la Renaissance.

Quel contraste étonnant entre les deux extrémités de l’édifice telle une opposition masculin féminin : le masculin pour la partie est avec son aspect massif et austère et le féminin pour le portail ouest avec son architecture élégante, fantaisiste, joyeuse.

Entre les deux extrémités du bâtiment, un écart de plus de trois siècles !

Seule la partie centrale mêlant architecture Renaissance et éléments gothiques est décorée. Elle s’élève sur plusieurs niveaux tout comme les deux tourelles de section carrée qui la délimitent. Plusieurs niches surmontées de dais et vidées de leurs statues sont disposées de chaque côté du portail. Les murs situés de part et d’autre qui correspondent à la profondeur des chapelles sont dénués d’ouverture et de décoration ce qui a pour effet de concentrer le regard sur la partie centrale.

Une balustrade en pierre de style gothique située en haut des murs est l’unique élément décoratif.

Au rez-de-chaussée, un double portail qui permet d’accéder à l’intérieur de la nef est séparé par un trumeau où est adossée une belle statue de la Vierge.

Sur la partie supérieure, trois niches de forme allongée faiblement creusées dans le mur devaient abriter des statues. Chacune est surmontée d’une coquille en demi-cercle puis d’un fronton en triangle. Un vaste arc en plein cintre chapeaute cet ensemble lui-même surmonté d’un fronton triangulaire reposant sur un entablement dorique soulignant toute la largeur de la partie centrale. Le fronton est illustré par une allégorie du soleil et de la lune. Au centre trône la Vierge Marie accompagnée de chaque côté par un musicien.

La partie située plus en retrait au-dessus du fronton du portail est divisée en trois parties :

A la base de la première partie, une balustrade en pierre située en arrière-plan du fronton protège le passage qui permet de joindre les deux tourelles.

Sur la façade au centre, deux baies jumelées en plein cintre permettent d’éclairer la nef en cette partie.

Sur la deuxième partie on retrouve une balustrade en pierre, appuyée sur un entablement dorique, ayant les mêmes fonctions que celle située au niveau inférieur.

La troisième et dernière partie se termine par un fronton en demi-cercle surmonté d’une croix. Une galerie bordée de sa balustrade associée à un entablement joint les deux campaniles qui coiffent ainsi les tours. Quatre vases sont disposés sur les quatre angles du carré de base des campaniles de section octogonale. De larges meurtrières sont réparties sur les quatre faces correspondantes aux quatre points cardinaux.

On peut souligner la présence de coquilles sur le pourtour du fronton en demi-cercle. Un élément décoratif que l’on retrouve fréquemment à différents endroits de l’édifice.

On estime l’achèvement de cette partie vers les années 1560, 1565 voire un peu plus tard.

C’est encore à Louis de SILLY et à Anne de LAVAL que nous devons la construction de cette partie de l’église. On peut ajouter que Louis de SILLY était le neveu du cardinal d’Amboise, un amoureux de l’Italie qui a été à l’origine de la construction du premier château de style Renaissance en Normandie, le château de Gaillon.

(1) Soleil levant, lumière d’en haut sur ceux de la ténèbre qui gisent dans la mort, et guide pour nos pas au chemin de la paix. (Évangile selon saint Luc 1,78)

(2) Fondateur de l’Association Notre-Dame de Vétheuil (1974)

(3) Louis Régnier (1865-1923) Archéologue, historien, ancien vice-président de la Société historique de Pontoise et du Vexin (Le Vexin français – Excursions archéologiques. Editeur Lorisse)

(4) Alain Erlande-Brandenburg. Historien d’art

Tour d’horizon intérieur

Parcours de la visite

Contrairement au tour d’horizon extérieur commencé par l’est, c’est par l’ouest que nous visiterons l’intérieur de l’église.

Nous découvrirons la nef (1) en remontant l’allée centrale jusqu’à la croisée du transept (2) pour atteindre le chœur (3)

Nous redescendrons par le bas-côté sud tout en longeant les chapelles latérales (4) pour rejoindre notre point d’entrée (5) où nous marquerons un arrêt. Pour clore ce parcours, nous remonterons par la contre-allée située au nord (6)

La découverte des chapelles s’effectuera, pour l’essentiel, à travers les rubriques « Statuaire » ou « Peintures » en cours de réalisation. C’est également de cette manière plus détaillée que nous explorerons la nef et le transept.

1. La nef (XVIe siècle)

Malgré que les différentes campagnes de construction se soient échelonnées de 1520 à 1580, c’est le style gothique qui prédomine où différents éléments caractéristiques de la Renaissance apparaissent : clefs de voûte, chapiteaux, dais surmontant les statues…

Deux rangées de cinq piliers délimitent son espace. Hormis ceux du clocher, les six premiers piliers sont agrémentés de douze statues en pierre polychromée positionnées deux par deux et placées à mi-hauteur.

Le renflement vertical de chaque pilier situé vers l’intérieur de la nef s’élance vers la voûte à une hauteur d’environ 14 mètres pour former l’arc transversal qui délimite chaque travée ; chacune est soutenue par une croisée d’ogives.

Même si les dimensions restent modestes, les quatorze mètres de hauteur de voûtes associés à l’étroitesse de la nef donnent à l’ensemble une certaine ampleur difficilement imaginable de l’extérieur.

La partie haute est éclairée par des fenêtres de dimensions moyennes situées latéralement. Pour la partie basse, l’éclairage provient des chapelles des bas-côtés dotées de baies de bonnes dimensions.

Au début de l’allée centrale, une plaque en cuivre fut posée au XIXe siècle par l’abbé Amaury (1) indiquant qu’à cet endroit les mères s’agenouillaient pour prier Notre-Dame de Grâce de Vétheuil afin qu’elle préserve ou guérisse leurs enfants de la maladie. (2)

2. Le transept (XVIe siècle, environ 1520-1530)

Quand on observe le plan de l’église, on constate que le transept n’est pas saillant ; il reste dans l’alignement des chapelles latérales. (3)

Les parois situées à l’étage supérieur de la nef étant absentes au niveau du transept ont pour effet d’augmenter le volume et l’éclairage diffusé par les grandes baies en accentue l’amplitude.

A la croisée du transept, les nervures qui naissent des quatre piliers soutenant le clocher, s’élancent vers la voûte pour se transformer en branches d’ogives qui convergent vers le cercle central d’accès aux cloches.

C’est dans la partie sud du transept (c9 sur le plan) que se trouve l’emblème de l’église de Vétheuil, la belle statue en pierre de Notre-Dame de Grâce (XIVe siècle). A noter également, la chaire en bois du XVIIe siècle et la présence, sur deux des quatre piliers du clocher, de peintures murales datant du XVIe siècle.

3. Le chœur (Début du XIIIe siècle, environ 1210)

Après avoir parcouru une nef étroite, le chœur avec ses 10 mètres de largeur, contraste avec un volume plus ample. Il est composé d’une travée carrée et d’une abside à sept pans. Une voûte sexpartite recouvre la travée carrée et sept voûtains rayonnant autour d’une clef composent la voûte de l’abside. Tout comme à l’extérieur c’est une impression de force qui se dégage de l’ensemble. (4)

Les ouvertures hautes et étroites en forme de lancettes (Surmontées chacune d’un oculus) réparties sur la courbe du mur de l’abside sont représentatives des débuts de l’art ogival et démontrent que nous sommes dans une partie ancienne de l’église. L’influence de l’art roman est encore présente et la beauté qui s’en dégage est soulignée par les couleurs chatoyantes diffusées par les vitraux modernes. (5)  Toute la décoration est ici essentiellement architecturale.

Sur le côté sud de la travée, on peut remarquer le bel habillage en pierre de style flamboyant qui coiffe la petite porte de la sacristie. Par souci de symétrie, une porte similaire, dénuée d’accès, a été placée au XVIIIe siècle en vis-à-vis sur la partie nord.

4. Les chapelles (XVIe siècle)

Elles sont accessibles par les deux contre-allées disposées de part et d’autre de la nef. Chaque chapelle correspond à une travée. La croisée d’ogives qui convergent vers une clef de voûte jaillit d’un assemblage de fûts de petites dimensions situés aux angles. Pour certaines d’entre elles, les nervures de la croisée d’ogives s’appuient sur des chapiteaux.

Tout comme la nef, le style général est gothique en dehors de certains éléments de décor comme les clefs de voûtes où les chapiteaux. Les chapelles c5 et c9 correspondent aux bras du transept.

5. La façade ouest (XVIe siècle)

L’entourage du portail constitué d’une double ouverture en plein cintre séparée par un trumeau est dépourvu d’ornements contrastant ainsi avec la façade extérieure. Seules, les deux petites portes latérales qui permettent l’accès aux toitures, offrent une jolie décoration renaissance. Sur la partie centrale, et situées à un niveau assez élevé, deux baies jumelles en plein cintre diffusent un éclairage modeste. Notons également la présence d’un tableau d’assez grande dimension datant du XVIIe siècle représentant l’Assomption de la Vierge.

(1) L’abbé AMAURY a beaucoup œuvré pour la sauvegarde de l’église de Vétheuil et c’est grâce à lui que d’importants travaux de restauration furent entrepris au cours du XIXe siècle.

(2) … on faisait le pèlerinage de Notre-Dame de Grâce pour les enfants malades et en langueur…

(Louis Régnier. L’Eglise de Vétheuil. Etude archéologique. 1910-1911)

(3) La seconde campagne gothique se développe dans le Vexin dont les caractéristiques sont le type continu ; faible saillie ou inexistence du transept (Collégiale de Mantes, 1170-1220)

(4) Épaisseur des murs à la base : 1,65 mètre

(5) Les vitraux du chœur datent de 1953

Statuaire

Intérieur de l’église

Nous ne passerons pas en revue la totalité des statues présentes dans l’église. Nous nous consacrerons uniquement à celles qui nous semblent les plus intéressantes.

L’essentiel de la statuaire, en pierre polychromée, est réparti entre la nef et les chapelles latérales. Les statues présentes dans la nef sont toutes adossées aux piliers deux par deux.

La nef : piliers côté sud

Nef : statuaire piliers sud PILIER 1. Le plus proche de l’entrée ouest.

Sainte Jeanne – XVIe siècle (Côté sud-ouest du pilier)

Orante – XVIe siècle (Côté sud-est du pilier)

Personnage féminin en attitude de prière. Cette statue qui faisait partie d’un groupe (Une main est posée sur son épaule droite) ne pouvait donc pas figurer à cet emplacement.

PILIER 2

Saint Maurice – ? siècle (Côté sud-ouest)

Saint Paul – XVIe siècle (Côté sud-est

PILIER 3

Saint Denis – XVIe siècle (Côté sud-ouest)

Saint Nicaise – XVIe siècle (Côté sud-est)

PILIER 4. Pilier sud-ouest du clocher

Pieta (Côté sud-ouest)

La statue que nous pouvons voir à cet endroit est en fait une copie dont l’original du XVIe siècle se trouve dans l’église du Bellay-en-Vexin ; la statue initialement en place ayant disparue.

La nef : piliers côté nord

Nef : statuaire piliers nord PILIER 1. Le plus proche de l’entrée ouest.

Sainte Marguerite – XVIe siècle (Côté sud-ouest). Une des plus belles statues de l’église de Vétheuil.

La Prudence – XVIe siècle (Côté sud-est) Cette statue qui devait faire partie d’une série représentant les Vertus Théologales à un lien de parenté avec la statue de la Charité présente à l’extérieur contre le trumeau du portail ouest.

PILIER 2

Saint Clément – XVIe siècle (Côté sud-ouest)

Saint Pierre – XVIe siècle (Côté sud-est)

PILIER 3

Saint Louis – XVIe siècle (Côté sud-ouest

Saint Jean l’Évangéliste – XVIe siècle (Côté sud-est)

Les chapelles sud

Comme nous l’avons déjà précisé nous ne passerons pas en revue la totalité des statues et c’est pour cette raison que nous ne visiterons qu’une partie des chapelles.

Nous commencerons par la chapelle correspondant au bras sud du transept (c9) car c’est à cet endroit que se trouve la très belle statue Notre-Dame de Grâce. A ne pas manquer : emblème de l’église de Vétheuil. On ne peut que regretter l’emplacement choisi pour cette œuvre du XIVe siècle et espérons qu’un jour (proche) elle retrouvera sa place d’origine à savoir au centre du chœur. Nous pourrons alors, nous aussi, dès l’entrée par le portail ouest, nous agenouiller au début de l’allée centrale pour prier Notre-Dame de Grâce de Vétheuil.

Située juste à côté (Chapelle c8), laissez-vous séduire par Sainte Marie-Madeleine, une statue du plus pur style du « Cinquecento » qui sait si bien traduire la grâce et l’élégance féminine – XVIe siècle.

Les chapelles nord

Dans la chapelle c3, une belle statue du XVe siècle de Saint Jacques-le-Majeur et, dans la chapelle suivante en remontant vers le chœur (c4), la troublante statue du Christ au tombeau du XVIe siècle.

Toujours en remontant vers le chœur et placée au bout du collatéral à côté de la petite porte d’accès au clocher, une des plus émouvantes statues de l’église, l’Ecce Homo (3), statue du Christ debout en pierre polychromée du XVIe siècle.

 (3) Ecce homo : propos tenus par Ponce Pilate aux Juifs lorsqu’il présente le Christ couronné d’épines : « Voici l’homme. »

Extérieur de l’église

La statuaire extérieure, moins importante que celle située à l’intérieur, est principalement localisée sur les portails sud et ouest. Mais beaucoup de niches ayant pour vocation d’abriter ces statues sont désormais vides. Certaines de ces statues ont parfois été déplacées mais la plupart d’entre elles furent détruites au cours des multiples conflits rencontrés au fil du temps.

Le portail sud

Comme nous l’avons évoqué dans une rubrique précédente, le porche très enfoncé dans l’édifice – la profondeur correspond à celle des chapelles attenantes – abritait une statue de la Vierge que les pèlerins et les voyageurs pouvaient saluer par une prière. On remarque l’absence de statues dans les niches situées sur les côtés de la partie extérieure du porche.

Seule, demeure placée contre le trumeau, une gracieuse statue polychromée d’une Vierge à l’enfant du XVIe siècle.

Le portail ouest

Sur le trumeau qui sépare les deux vantaux du portail ouest se trouve une statue de la Charité du XVIe siècle. Tout comme au portail sud, on remarque que les différentes niches réparties sur le pourtour du portail sont vides. Ont-elles été détruites au moment de la Révolution ? Cela est fort probable.

Sur la partie supérieure de la façade, le fronton abrite une Vierge à l’Enfant entourée de deux anges musiciens. De part et d’autre, les deux emblèmes bibliques, le croissant de lune et le soleil accompagnent l’ensemble.

Ces statues avaient été sérieusement endommagées lors de la Révolution. Ce que nous voyons aujourd’hui date de 1927.

Les vitraux

En août 1944 lors des combats de la Libération, une bombe alliée endommage la partie sud-ouest de l’église ; la violence de l’explosion souffle l’ensemble des vitraux. Pendant plusieurs années les fenêtres seront obstruées tant bien que mal par des planches, ce qui ajoutera encore, au mal déjà causé.

En 1949 l’architecte en chef Albert CHAUVEL (1) a pour mission la restauration de la majeure partie des vitraux de l’église de Vétheuil et au début des années 1950 (2) le maître verrier François LORIN (3) démarre le chantier de remplacement des vitraux du chœur d’après des cartons de Jean-Claude RIQUEUL.

Poursuivant la restauration des vitraux dans le courant des années 1970, c’est au maître verrier Michel Durand que l’on fait appel pour la réalisation de la plupart des verrières latérales basses ainsi que des deux vitraux de la façade occidentale.

C’est en grande partie grâce à l’action de l’Abbé LEMAIRE, qui occupait les fonctions de curé de Vétheuil de 1913 à 1972, que nous devons la restauration des verrières. De 1955 à 1961 dix vitraux sont restaurés et le dernier sera posé quelques années après la mort de l’abbé en 1972.

(Les abbés en fonction à Vétheuil avaient conscience de la richesse que représentait l’église et beaucoup s’investiront à préserver ce patrimoine).

A l’exception de rares vitraux Renaissance, les verrières en place avant l’explosion de 1944 dataient du Second Empire et n’avaient, selon Pierre CHAMPION, le fondateur de l’Association des Amis de Notre-Dame de Vétheuil, que peu d’intérêt.

A ce jour, il est difficile d’établir un historique des vitraux de l’église Notre-Dame de Vétheuil. A quoi ressemblaient les vitraux du Moyen âge et de la Renaissance, qui étaient leurs auteurs, de quels ateliers venaient-ils ?

Depuis la fin du XIe siècle l’église de Vétheuil dépendait du duché de La Roche-Guyon ; peut-être existe-t-il une réponse au sein des archives du château ?

Tout au long de l’histoire, les événements au cours desquels les vitraux ont pu être endommagés ou détruits sont nombreux. Bien souvent, ces événements furent d’une telle violence qu’il est presque miraculeux de disposer aujourd’hui d’un patrimoine aussi riche.

Depuis les guerres de religion, en passant par la période de la Terreur, de la guerre de 1870, à celle de 14-18 pour terminer avec la dernière guerre, les dégradations se sont succédées, occasionnant des pertes considérables à notre patrimoine en grande partie dues à la folie des hommes.

Au XIVe siècle, la guerre de Cent Ans (1337-1453) et l’occupation anglaise causèrent de véritables ravages. Les dégradations commises sur de nombreuses églises ont été d’une telle ampleur qu’il est souvent nécessaire de recourir, non pas à de simples consolidations, mais bien souvent à de véritables reprises du gros œuvre (5) et dans un contexte de forte dépopulation la mise en place de chantiers de reconstruction est difficile.

D’autres facteurs ont participé à la détérioration des édifices religieux comme les dérèglements climatiques (Tempêtes, tornades, inondations…) (6) ou les épidémies de peste ; entre 1340 et 1440, la France perd 7 millions d’habitants ; il reste 10 millions d’habitants sur une population initiale de 17 millions.

Malgré l’accumulation de toutes ces destructions, la transmission du savoir-faire de nos maîtres verriers s’effectuera jusqu’à nos jours et c’est grâce au talent de tous ces maîtres verriers du XXe siècle que notre patrimoine religieux – entre autres – reprendra de son éclat à travers la lumière magique des vitraux multicolores : Gabriel LOIRE, François LORIN, Michel DURAND, Paul BONY, Jean-Jacques GRÜBER, Gérard HERMET, Max INGRAND et j’en oublie…

C’est aussi au talent d’artistes comme Jean COCTEAU (Metz), Henri MATISSE (Vence), Marc CHAGALL (Reims) et plus proche de nous Pierre SOULAGES (Conques) que l’Art du Vitrail devra d’atteindre un plus large public.

Éclatant dans la vivacité de ses couleurs ou laissant passer la lumière à travers mille facettes de noirs changeants, l’Art du Vitrail a su trouver sa place au fil des siècles en s’adaptant à la demande d’artistes ayant à cœur de transmettre des images éternelles et des sentiments tous pareils.

(1) Albert CHAUVEL. Architecte en chef des monuments historiques – ACMH. Il interviendra également à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Rouen qui, comme beaucoup d’églises, avait subi de graves dommages de guerre.

(2) Notes de l’Abbé LEMAIRE. Versement effectué au Trésor Public en décembre 1951 pour la restauration des vitraux du chœur.

(3) La Maison LORIN a été fondée à Chartres en 1863 par le peintre-verrier Nicolas LORIN (1815-1882). Il exécuta de nombreux vitraux en France comme à l’étranger : Chartres, Paris, Lyon, New-York, Saïgon, Vienne, etc. En 1878, lors de L’Exposition Universelle, la Maison LORIN employait 53 personnes.

Son fils Charles (1874-1940) prendra la suite. Il exerce son art de 1882 jusqu’au début de la Deuxième Guerre mondiale. Membre de la Chambre syndicale des artistes décorateurs, lauréat de la Société centrale des architectes français, Charles a été chargé par le Ministère des Beaux-arts de la restauration des vitraux de la cathédrale et de l’Église Saint-Pierre de Chartres, de plusieurs autres cathédrales de France et d’un grand nombre de monuments historiques.

(4) Deux églises parmi tant d’autres : l’église de Vernon et la collégiale de Mantes dont les vitraux furent en grande partie détruits.

(5) Églises et vitraux en Vexin français.

(6) En janvier 1613 un ouragan endommagera de nombreux vitraux de la collégiale de Mantes. En 1705 une tempête détruit les vitraux de l’église Saint Gervais Saint Protais de Gisors.

Provenance des matériaux

La pierre

Le sous-sol du Vexin français offre un large éventail de matériaux nécessaires à la construction : sable, galet, calcaire, silex, meulière, gypse… Les traces de nombreuses anciennes carrières le prouvent.

La pierre à bâtir des constructions anciennes est presque toujours le calcaire lutétien exploité sur place, d’abord à ciel ouvert, puis après le Moyen Âge, dans des carrières souterraines.(1)

Des carrières existaient à Vétheuil, à Chaussy (9 km) et à Chérence (5 km) qui disposait d’une pierre de qualité ainsi qu’à Vernon (20 km) dans l’Eure.

Dès le début du règne de Guillaume le Conquérant on utilisera la pierre de Vernon pour construire de nombreux monuments comme la collégiale Notre-Dame de Mantes, la cathédrale d’Evreux, le château de Gaillon… Au XIXe siècle elle sera encore utilisée pour restaurer la rose de la Sainte Chapelle à Paris.

Le site d’exploitation de Vernon (Au lieu-dit Vernonnet) était important et sa pierre avait bonne réputation. Jusqu’au début du XXe siècle, on acheminait par la Seine les blocs de Vernonnet jusqu’au port de Vétheuil, les carrières de Chaussy et Chérence allant vers l’épuisement.

Voici le témoignage d’une habitante de Vétheuil née en 1901 :

…la pierre venait des carrières de Vernon. Les carrières de Chaussy et de Chérence étant épuisées…

…Ce transport se faisait deux fois par an et nous sortions de l’école plus tôt. Cinq bons chevaux étaient attelés à ce lourd chariot, car c’était un bloc énorme et pesant ; alors, les ouvriers qui suivaient avaient de grosses cales au cas où l’attelage aurait cédé. Avec les fouets les braves bêtes étaient actionnées dans la montée de la rue de l’Eglise…

Les parties anciennes de l’église de Vétheuil, (Clocher et chœur) qui datent de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, sont faites d’un calcaire lutétien assez grossier, de moyen appareil, sans doute local, provenant peut-être des environs de Chérence.

L’église qui resta inachevée durant une longue période fut remise en chantier entre 1520 et 1580 : les parties Renaissance sont en pierres de grand appareil d’une autre nature. On utilisa d’abord une craie, non pas locale, mais extraite des carrières souterraines de Vernonnet.(1)(2)

Puis on lui préféra un beau calcaire blond, fin, à sections millimétriques de petits tubes de vers annélides (Ditrupa) du Lutétien de l’Oise (Région de Creil, Trossy, Saint-Maximin et Saint-Leu à près de 100 km, en remontant la Seine et l’Oise !). La substitution s’est faite brusquement et elle a été définitive. On peut voir, au porche sud, un pilier sculpté commencé avec de la craie et fini avec le calcaire de l’Oise. La raison de ce changement n’est pas connue mais le même phénomène s’observe non loin de là à l’église de La Roche-Guyon et dans beaucoup de constructions Renaissance normandes situées en bord de Seine, jusqu’au-delà de Rouen.

C’est dire si les pierres voyageaient facilement, par le fleuve bien sûr ! Jusqu’au XIXe siècle, la navigation de batellerie joua un rôle important dans le transport des charges pesantes (tonneaux, pierres et autres matériaux de construction) et dans celui des voyageurs par « coches d’eau ». Des gravures du XIXe siècle montrent un débarcadère à Vétheuil, pourvu d’un dock pour les pierres à bâtir. Le souvenir de la batellerie s’est conservé par le dessin d’une belle coque du XVIe siècle, gravée à droite du porche, sans doute pour un usage votif. Et, sur la façade ouest, des graffiti tracés sur le calcaire de l’Oise montrent des bateaux de batellerie (XVIIe-XVIIIe siècles), reconnaissables à leur haut gouvernail, peu différents de ceux qui apportèrent les pierres pour bâtir Notre-Dame de Vétheuil. (1)

Le bois

Malgré le manque d’information sur la provenance de ce matériau, il est fort probable que le bois utilisé pour la construction et la décoration de l’église fut exploité dans les environs immédiats.

En effet, la forêt royale d’Arthies (3) qui entourait Vétheuil était vaste et recouvrait toute la région. Par ailleurs, on peut aussi rappeler que beaucoup de marchandises et de matériaux arrivaient au port de Vétheuil. Il était donc facile de faire venir du bois situé à quelques kilomètres de là.

Quelle que soit l’époque, et aussi bien pour la construction que pour la décoration, le chêne était souvent utilisé ; c’est le cas pour la charpente (Début du 13e siècle, 1211-1212) comme pour le fameux retable de la Passion (Début du 16e siècle).

C’est également au début du XIIIe siècle que l’on construisait la charpente de la collégiale Notre-Dame de Mantes (10 km). Et selon Frédéric EPAUD (Chercheur au CNRS) il est probable que, de par leur similitude de structure, ces deux charpentes aient été conçues par le même maître charpentier.

Le métal

A ce jour, nous n’avons pas d’informations suffisamment pertinentes susceptibles de nous renseigner sur la provenance des métaux utilisés dans la construction de l’église de Vétheuil.

Une prochaine rencontre avec les différentes sociétés ayant participé à la restauration de l’édifice sera une des pistes à explorer pour nous permettre d’en savoir plus.

Néanmoins et par le biais de différentes études on sait que, le plus souvent, le fer est de provenance locale ou régionale. Les régions d’approvisionnement peuvent donc varier au gré des campagnes de construction.

Bien souvent, les chantiers sont approvisionnés en métal sous forme de barres. Chaque pièce était ensuite usinée sur place grâce aux forges présentes sur le lieu d’édification.

Viollet-le-Duc est le premier à établir un lien entre l’avènement de la période gothique et l’essor des fers de construction à la même époque : « Le fer fut appelé à jouer un rôle assez important dans l’art de bâtir avec la construction ogivale. » (4)

Au Moyen Age, on trouve le métal dans divers endroits de l’édifice et sous des formes multiples : des clous utilisés pour les toitures aux gros tirants de fer pour consolider les portants en passant par les structures destinées au maintien des vitraux.

Concernant le coût, nous savons qu’il était d’usage de récupérer d’anciens fers ce qui pouvait parfois réduire les dépenses de manière significative.

Les vitraux

C’est souvent au niveau des vitraux que le métal est le plus présent. Pour certaines églises dotées d’une surface vitrée importante comme l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen la quantité peut atteindre 25 tonnes et certaines baies de grandes dimensions peuvent contenir à elles seules jusqu’à une demi-tonne de fer (5).

Maçonnerie, éléments décoratifs

La mise en place de chaînages enfouis dans la maçonnerie contribue à empêcher l’éclatement des tours ou des parties supérieures sous la pression des vents.

Balustres, colonnettes et pinacles contiennent de grandes quantités de fer essentiellement sous forme d’agrafes et de goujons.

Leur emploi atteint son paroxysme dans les jubés dont la plupart du décor sculpté est ainsi renforcé.

Charpentes

Les charpentes originelles des édifices gothiques, bien qu’assez rarement conservées, étaient renforcées d’étriers, de bandes et de chevilles de fer au moins dès le milieu du XIVe siècle (6).

(1) Patrimoine géologique du Val d’Oise. Etude réalisée par l’Institut géologique Albert-de-Lapparent (IGAL) devenu aujourd’hui Département géosciences de l’Institut Polytechnique Lasalle-Beauvais.

(2) Vernonnet fut le lieu de résidence du peintre Pierre Bonnard

(3) Louis VIII, le père de Saint Louis, donna des nombreuses parcelles de cette forêt aux moines afin qu’ils participent au défrichement et à la construction d’églises. C’est ainsi que beaucoup de paroisses et de villages virent le jour.

(4) Eugène Viollet-le-Duc, « Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe », 10 tomes, 18541868, rééd. Paris, 1997.

(5) Extrait de l’étude menée par Maxime L’héritier, Philippe Dillmann, Paul Benoit, « L’emploi du fer dans la construction monumentale à la fin du Moyen Age : production et utilisation ».

Maxime L’héritier : CEA Saclay / CNRS, LAMOP, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Philippe Dillmann : IRAMAT CNRS UMR, CEA Saclay.

Paul Benoit : Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR 8589, LAMOP.

(6) Maxime L’héritier : « L’utilisation du fer dans l’architecture gothique ».

Le retable de la passion

Comme pour beaucoup de nos monuments historiques, l’église de Vétheuil a été victime de vols ; chaque élu local, chaque maire, chaque responsable ou propriétaire de patrimoine culturel, chaque association de sauvegarde doit se prémunir contre ce fléau.

Pour l’église de Vétheuil c’est le retable de la Passion qui, à plusieurs reprises, a attiré la convoitise des voleurs. Il a été entièrement dépecé au cours de trois vols en 1966 et 1973.

Cependant – et lorsque les œuvres volées ne quittent pas le continent européen – le dénouement peut être heureux ; en effet, c’est en 1998 que fut retrouvée La Flagellation puis en 2007 Le Baiser de Judas et tout récemment la Descente de croix et la Mise au tombeau en décembre 2012.

Sur les sept scènes qui composent le retable trois éléments restent donc absents : La Montée au calvaire, Le Portement de croix et la Résurrection.

Restons optimistes, espérons qu’un jour tous ces éléments soient enfin réunis !

(Les œuvres retrouvées sont actuellement en cours de restauration.)

Descriptif du retable de la Passion (Premier quart du XVIe siècle)

Voici ce que dit Louis REGNIER (1) en 1910 sur le retable de la Passion de l’église Notre-Dame de Vétheuil :

 « […] Ce retable, en bois sculpté, polychromé et doré, surmontait sans doute, originairement, le maître-autel. On le voit aujourd’hui sur l’autel de la quatrième chapelle au nord de la nef. Il appartient à la catégorie de ces grands retables en bois ou en terre cuite, d’origine flamande ou brabançonne qui montrent les différentes scènes de la Passion figurées par une multitude de petits personnages, et dont on rencontre beaucoup de spécimens dans toute la France, mais surtout dans la région du nord. A lui seul, le département de l’Oise n’en possède pas moins d’une quinzaine, à peu près complets. Il y en a moins dans le département de Seine-et-Oise, mais je ne saurais omettre de rappeler ici celui conservé dans l’église de Guernes, non loin de Vétheuil.

Tous ces retables appartiennent soit à la seconde moitié du XVe siècle, soit à la première moitié du XVIe. Celui de Vétheuil semble plutôt du premier quart du XVIe siècle. Il présente la disposition bien connue qui caractérise tous les autres, c’est-à-dire que la partie centrale, consacrée à la grande scène du Calvaire, est plus élevée (2,25 m) que les deux parties latérales (1,30 m). La largeur de la partie supérieure de la travée centrale est de 0,92 m.[…]

On trouve, de gauche à droite :

1. le baiser de Judas (au premier plan, Malchus terrassé par Saint Pierre)

2. la Flagellation (le Christ est lié à une colonne polygonale, au chapiteau simplement mouluré)

3. le portement de Croix (Simon de Cyrénéen aide Jésus ; les Saintes Femmes et Saint Jean suivent au second plan)

4. le Calvaire (l’un des larrons, celui placé à la droite du Christ, est couvert d’une grande souquenille flottante, chose rare dans les représentations de Calvaire ; au bas, Marie défaille entre les bras des Saintes Femmes)

5. la descente de Croix (au premier plan, une seconde pamoison de la Vierge)

6. la mise au Tombeau

7. la Résurrection (L’un des gardes endormis en avant du sépulcre tient une arbalète à cranequin, arme dont on croyait l’usage à peu près tombé en désuétude au commencement du XVIe siècle. On remarquera le masque d’animal qui décore singulièrement la tunique de cet arbalétrier et les masques du même genre qui servent de genouillères au soldat son voisin.

Tous les costumes sont, d’ailleurs, intentionnellement pittoresques et variés. Toutefois, celui que porte chacun des principaux acteurs du drame se retrouve le même dans toutes les scènes. Il y a de l’archaïsme dans les vêtements militaires, comme aussi des fantaisies de pure imagination. Mais les chaussures, élargies du bout, sont empruntées à la vie réelle ; cette forme fut en usage, comme on sait, de 1490 à 1535 environ.

Bien qu’il ne s’agisse que d’une œuvre d’art industriel, les personnages ont beaucoup de vérité, et la lourdeur qu’entraîne la grosseur exagérée des têtes n’est pas caricaturale, comme cela se voit dans quelques autres retables du même genre. En outre, les physionomies de Marie, de Saint Jean et des Saintes Femmes sont agréables et d’une expression simple et vraie, en quoi elles contrastent avec celles des bourreaux et de la soldatesque, bestiales à souhait.

C’était là, d’ailleurs, une tradition constante depuis l’importation des albâtres anglais à la fin du XIVe siècle. (…)

Il est assez difficile de situer chronologiquement les œuvres de cette espèce, presque toujours dépourvues de date peinte ou gravée. Le détail des chaussures à bout élargi rapproché des autres observations que fait naître l’examen du retable de Vétheuil indique approximativement le premier quart du XVIe siècle. On sait que le style gothique persista longtemps dans les Pays-Bas. Au retable de Bury, les dais flamboyants surmontent des personnages dont les costumes, beaucoup plus avancés qu’à Vétheuil, justifient très bien la date 1648 estampée dans la dorure du sépulcre. […] »

(1) Louis Régnier (1865-1923) Archéologue, historien, ancien vice-président de la Société historique de Pontoise et du Vexin.

La chapelle de la charité

C’est dans cette chapelle du XVIe siècle située au nord-ouest que se réunissaient les membres de la Confrérie de la Charité du Saint-Sacrement. Beaucoup de ces confréries, composées de laïcs, apparaissent lors des grandes épidémies de peste du Moyen Age. Leur mission était principalement d’enterrer les morts et de prier pour eux. (Vue de la chapelle prise avant 1896) Encouragées par l’Église, une bulle du pape Grégoire XIII de 1583 en confirmera les statuts. La confrérie de Vétheuil disparait en 1905.

Vous pourrez voir sur la partie inférieure du mur ouest le cérémonial que la Confrérie suivait lors des obsèques d’un paroissien.

Voici ce que disait Pierre Champion au sujet de la chapelle de la Charité (1) :

« Sur les murs et au plafond, d’anciennes peintures de la Renaissance, longtemps restées sans entretien et de ce fait jugées une première fois irrémédiablement dégradées mais maintenant sauvées sur l’initiative de l’Association Notre-Dame de Vétheuil. Une première campagne de restauration avait été entreprise en 1985, grâce au généreux concours de la fondation américaine « Friends of Vieilles Maisons françaises » Elle a permis de faire revivre un témoignage précieux de l’activité de la confrérie du Saint-Sacrement au service des défunts. C’est le cérémonial suivi par les frères lors des obsèques d’un paroissien. L’évocation de la confrérie sera faite plus loin. Au-dessus du cortège des membres de la confrérie, on peut voir un jugement dernier et une image du ciel et de l’enfer.

En 1994, la restauration totale de la chapelle a été menée à bien. Elle aura permis de découvrir sous un badigeon uniforme apposé au XIXe siècle des figures de grande qualité : un arbre de Jessé, des scènes de la vie de Tobie et, sur les voûtains du plafond, les quatre Évangélistes

Un autre témoignage historique, d’un grand intérêt pour Vétheuil, est conservé dans cette chapelle. Il s’agit du texte des statuts de la Confrérie, tel qu’il a été confirmé par une bulle du pape au XVIe siècle. On est étonné qu’il n’ait pas fallu moins qu’une bulle papale pour mettre noir sur blanc les statuts d’une confrérie d’un village perdu de la chrétienté. C’est pourtant le cas. Une copie authentique de la bulle papale est conservée à l’évêché de Pontoise, mais la chapelle en possède une autre copie, imprimée en 1826. Celle-ci est précieuse à plus d’un titre, d’abord parce qu’elle nous précise le nombre et les fonctions des membres et des dignitaires de la Confrérie, leur mode de recrutement, leur costume et leurs marques distinctives, les obligations auxquelles ils étaient assujettis, etc. Mais elle l’est encore davantage par la personnalité du pape qui a signé cette bulle, Grégoire XIII. Il l’a donnée « à Rome à Saint-Marc, le dixième des calendes de mai, l’an onzième de son pontificat, en le 22e jour d’avril mil cinq cent quatre-vingt-trois ».

Grégoire XIII fut un grand pape à qui nous devons notamment la réforme du calendrier julien et qui a promulgué le calendrier nouveau sous lequel nous vivons encore aujourd’hui et qu’on appelle justement le calendrier grégorien. Or, cette réforme date de 1582, c’est-à-dire de l’année qui a précédé la confirmation des statuts de la Confrérie de Vétheuil. Les deux événements ne sauraient certes être comparés, mais leur simple rapprochement n’en donne que plus d’intérêt et d’éclat à celui qui concerne le village de Vétheuil.

(1) Fondateur de l’Association Notre-Dame de Vétheuil.

Extrait du livre : « Vétheuil, un village et son église »

(article rédigé avec la collaboration de notredamedevetheuil.fr)

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